TRIBUNE : « GÉNOCIDE CONGOLAIS : Me DAHLIA TSHILANDA SE TROMPE ET LE CONGO RÉPOND »

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Depuis plus de trois décennies, le sol congolais boit le sang de ses fils et de ses filles. Trois décennies de massacres, de viols, de pillages, de déplacements massifs, d’humiliations et d’exterminations systématiques. Trois décennies de silence complice du monde. Et pourtant, les faits sont là, terrifiants, incontestables : le peuple congolais subit un génocide lent, étouffé, nié, banalisé.

Combien de générations faudra-t-il encore sacrifier pour que la communauté internationale ouvre enfin les yeux ?
Le Congo pleure, mais le monde reste sourd.

Quand l’oubli devient un crime

Récemment, j’ai entendu et suivi les propos de Me Dahlia Tshilanda, candidate aux élections de 2023 et proche de M. Claude Ibalanky, ancien ambassadeur itinérant du président Tshisekedi . Aujourd’hui, elle se positionne aux côtés des opposants Claudel André Lubaya et Seth Kikuni, au sein de leur structure politique: le Cadre de Concertation des Forces Politiques et Sociales en RD, confirmant son engagement dans le jeu politique national, mais paradoxalement en détournant son énergie de la défense de la mémoire congolaise.
Sur un plateau télévisé, Me Tshilanda a déclaré que la requête déposée par la République Démocratique du Congo à l’ONU pour la reconnaissance du génocide congolais était « irrecevable », arguant que le dossier ne remplissait pas les critères juridiques du génocide selon le droit international.
Elle est même allée jusqu’à qualifier cette démarche de « populiste » et de « stratégie politique sans fondement juridique ».

Je me permets ici de réagir, car de tels propos ne relèvent plus de la simple opinion : ils trahissent une forme d’anti-patriotisme intellectuel et un aveuglement volontaire face à la souffrance de tout un peuple.

Quand une Congolaise reprend les mots de Kigali

À travers ses propos, Me Tshilanda a répété, sans peut-être s’en rendre compte, les mêmes arguments que le ministre rwandais des affaires étrangères Olivier Nduhungirehe, qui avait qualifié la démarche congolaise de « stupide » à l’ONU.
Une attitude honteuse, alors que le Rwanda continue de massacrer nos compatriotes à l’Est, sous les yeux impassibles des Nations-Unies et des grandes puissances.

Faut-il rappeler à Me Tshilanda que le droit international ne subordonne pas la reconnaissance d’un génocide à une condamnation préalable ? Aucun texte juridique ne l’exige. La Convention de 1948 sur la prévention et la répression du crime de génocide impose au contraire à la communauté internationale un devoir de vigilance : reconnaître et prévenir le génocide dès lors que des éléments graves et concordants en attestent la réalité. Ignorer ces signes revient à devenir complice par omission.

Selon l’article II de cette Convention, le génocide est défini comme « l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux ».
Or, les crimes commis en République Démocratique du Congo par les forces rwandaises et leurs supplétifs (RCD, CNDP, M23, etc.) répondent parfaitement à cette définition : massacres de civils, viols collectifs systématiques, destruction de villages entiers, déplacements forcés, et rhétorique déshumanisante justifiant les massacres.

Ces éléments, documentés dans le Rapport Mapping de l’ONU (2010), témoignent d’une intention génocidaire manifeste. Et si, à ce jour, aucun tribunal ne s’est encore prononcé, c’est par manque de courage politique, non par absence de preuves.
L’Histoire nous enseigne que la reconnaissance du génocide arménien précéda toute condamnation judiciaire. Pourquoi donc refuser au Congo ce même droit à la vérité ?

Les Congolais ont trop longtemps été les oubliés de l’humanité

En 2013, Sa Majesté le prophète Joseph Mukungubila Mutombo alertait déjà sur le génocide congolais dans sa lettre ouverte à la communauté internationale : « Plus jamais ça ! »
Il dénonçait l’hypocrisie internationale, la duplicité des grandes puissances et le silence coupable autour du Rapport Mapping.

Cinq ans plus tard, le Dr Denis Mukwege, prix Nobel de la Paix, reprendra le même flambeau en appelant à la création d’un tribunal international pour la RDC fondé sur les conclusions de ce rapport.
Deux hommes, deux voix différentes, un même cri : « Reconnaissez le génocide congolais ! »
Mais jusqu’à ce jour, leurs appels résonnent dans le vide.

Quand les autres défendent leur mémoire, nous abandonnons la nôtre

Le 7 avril 2025, à Paris, le concert caritatif “Solidarité Congo”, destiné aux victimes de l’Est de la RDC, a été annulé et reporté à une autre date.

J’aurais souhaité voir Me Dahlia Tshilanda réagir à cette annulation. Or, elle s’est attaquée au président de la République et à nos institutions, alors que la communauté rwandaise en France n’avait pas croisé les bras ni mis en cause leur président ou leur pays pour défendre leur mémoire.

Est-ce que Me Tshilanda sait seulement qu’il y a eu un holocauste oublié, étouffé par les historiens de l’époque, pendant le règne du roi des Belges Léopold II dans son État indépendant du Congo ?
Et que les génocides des Héréros et Namas en Namibie, perpétrés par l’Allemagne coloniale, ont eux aussi été longtemps ignorés par le monde ?

Je demande aux autorités compétentes de ne pas laisser passer cette histoire. Me Dahlia doit être interpellée et répondre de ses propos devant les juridictions et organismes internes à sa profession.
Elle doit servir d’exemple pour que personne d’autre n’ose profaner la mémoire de nos morts et refuser la reconnaissance du génocide congolais.

Les Rwandais protègent leur mémoire. Et nous, Congolais ? Nous laissons piétiner la nôtre.

Mémoire et vérité : Jean Vosté, symbole oublié

Dans une de mes tribunes, j’avais rappelé l’histoire de Jean Vosté, premier homme noir interné dans un camp nazi.
Un symbole fort, mais effacé des mémoires.

Lorsque j’étais en exil en Afrique du Sud, je me suis rendu au Johannesburg Holocaust & Genocide Centre. Là, j’ai découvert que ni les visiteurs ni les historiens ne connaissaient Jean Vosté, ni les génocides des Namibiens et des Congolais. Pour eux, seuls les Juifs et les Tutsis rwandais avaient connu le génocide contemporain.

J’avais proposé au directeur du centre deux journées d’exposition et de conférence sur Jean Vosté et la mémoire congolaise. La pandémie de Covid-19 a bouleversé leurs programmes, mais cette expérience m’a ouvert les yeux : le monde ne reconnaît que les génocides de ceux qui crient leur douleur et imposent leur vérité.
Voilà pourquoi le peuple congolais doit cesser de se taire.

Non au silence, oui à la reconnaissance

Je ne vais pas être mal compris ni traité de négationniste comme mon aîné Charles Onana. Tout le monde sait et reconnaît le génocide des Rwandais.

J’ai l’impression que la campagne GENOCOST dérange.
En tant qu’activiste, je ne peux tolérer que cette atteinte continue, ni que tous les Congolais ayant vu leurs vies fauchées pendant trois décennies de guerre injuste imposée par les envahisseurs rwandais soient abandonnés à l’oubli.

L’heure est venue

Le Congo n’a pas besoin de permission pour pleurer ses martyrs.
Le Congo n’a pas besoin d’avocats pour légitimer sa souffrance.
Le Congo n’a pas besoin d’autorisations pour dire la vérité.

L’heure est venue de se lever, comme un seul peuple, et de crier haut et fort :
“Oui, il y a eu et il y a encore un génocide contre le peuple congolais.”

À ceux qui doutent, je dis : le sang parle plus fort que les arguments juridiques.
À ceux qui se taisent, je dis : le silence est aussi une forme de trahison.

Le monde a reconnu le génocide juif, le génocide arménien, le génocide rwandais… mais il refusera longtemps encore de reconnaître celui des Congolais tant que nous-mêmes ne l’imposerons pas.

Nous ne demandons pas vengeance. Nous demandons mémoire, justice et respect.

Par Charlie Jephthé Mingiedi Mbala N’zeteke, Activiste, Penseur et Notable de Madimba

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