
Dossier réflexion de Jonathan TSOBO DITUVANGA
La privation prolongée des frais de rétrocession aux Entités Territoriales Décentralisées (ETD) a été au centre d’un échange direct, le lundi 3 novembre, entre le Président de l’Assemblée provinciale du Kongo Central, Victor Nsuami Mpaka, et une délégation des Bourgmestres des villes de Boma et de Matadi.
Des communes à bout de souffle
Face au numéro un de l’organe délibérant provincial, les représentants des Bourgmestres ont tiré la sonnette d’alarme : depuis plus d’une année, leurs communes ne perçoivent plus les frais de rétrocession.
Une situation financièrement intenable qui compromet, selon eux, le fonctionnement des services publics de base.
« Depuis plus d’un an, nous ne recevons plus aucune rétrocession par voie de l’Ordonnancement délégué provincial. Pourtant, selon les documents officiels, ces fonds ont bien été alloués aux ETD », a dénoncé Oscar Mbuinga Kintulumukila, Bourgmestre de la commune de Mvuzi à Matadi.
Privées de ressources, les communes peinent à assurer l’assainissement, la sécurité urbaine, ou même la paie du personnel administratif.
Un véritable étranglement budgétaire qui met à mal la crédibilité de la décentralisation, pourtant garantie par la Constitution.
Un Président d’Assemblée à l’écoute
Réceptif et attentif, Victor Nsuami Mpaka dans sa casquette d’autorité budgétaire, a échangé longuement avec les délégués venus lui exposer la situation.
Les Bourgmestres ont salué son ouverture au dialogue et son esprit de père de famille, promettant de collaborer avec l’Assemblée provinciale pour que la lumière soit faite.
« Nous avons parlé avec un père, pas seulement avec un Président d’Assemblée. Il nous a promis des solutions concrètes », a témoigné le Bourgmestre de Mvuzi.
Une crise qui interroge
Cette situation soulève plusieurs interrogations de fond notamment :
-Où passent réellement les fonds de rétrocession destinés aux communes ?
-Pourquoi les ETD sont-elles les premières victimes d’un système de gestion centralisé et opaque ?
-Comment parler de décentralisation sans transfert effectif de moyens ?
La privation prolongée des rétrocessions révèle un déséquilibre institutionnel profond entre le niveau provincial et local.
Elle met également en lumière le manque de mécanismes de contrôle budgétaire efficaces, laissant place à la suspicion et à l’arbitraire.
Vers une réforme de la gouvernance locale ?
Pour éviter la répétition de telles crises, plusieurs pistes de solutions s’imposent :
-Rendre publiques les ordonnances de décaissement et les rapports de rétrocession, afin d’instaurer une culture de transparence.
-Renforcer le rôle de l’Assemblée provinciale dans le suivi de la chaîne des dépenses publiques.
-Accélérer la digitalisation de la traçabilité financière, pour que chaque commune puisse suivre en temps réel ses allocations.
-Créer un mécanisme indépendant de contrôle des rétrocessions, associant la Cour des comptes et la Société civile.
Au-delà de cette rencontre, le geste du Président de l’Assemblée traduit une volonté de dialogue et ouvre la voie à une réflexion plus large sur la gouvernance locale et le respect effectif des droits financiers des communes.
Mais au-delà des promesses, c’est l’avenir de la décentralisation effective qui est en jeu :
tant que les communes resteront financièrement dépendantes et asphyxiées, la gouvernance de proximité ne sera qu’un concept sans vie.
La démocratie locale ne se mesure pas à la beauté des discours, mais à la répartition équitable des moyens.