Lubumbashi en danger : qui protégera encore le peuple ?
J’ai pris du temps avant d’écrire cette tribune.
Non pas par hésitation, mais par terreur.
Oui, par terreur de voir comment la vie des Lushois est piétinée, méprisée, sacrifiée par ceux-là mêmes qui ont le devoir constitutionnel de les protéger.
Ce qui se passe à Lubumbashi n’est pas un simple incident industriel : c’est une attaque directe contre la santé publique, contre la dignité humaine et contre le droit fondamental à l’eau potable.
Une pollution qui ne date pas d’hier
Les accusations selon lesquelles certaines entreprises minières, comme Chemaf et Ruashi Mining, polluent l’environnement et mettent en danger la santé des habitants de Lubumbashi existent depuis de nombreuses années, y compris pendant la gouvernance de Moïse Katumbi (2007-2015).
Contexte :
• Dès 2007-2008, des médias locaux et la population du quartier Tshamilemba dénonçaient la pollution de l’eau et du sol par Chemaf.
• En 2012, le Centre Carter publiait des rapports accusant Chemaf et Ruashi Mining de polluer l’eau et le sol, avec la présence de métaux lourds.
Ainsi, la catastrophe actuelle n’est pas un incident isolé, mais la conséquence d’un système tolérant la négligence depuis des années.
CDM : un désastre annoncé et évitable
La société minière chinoise Congo Dongfang Mining (CDM) a déversé des effluents acides dans plusieurs quartiers périphériques, transformant l’eau des puits et forages ,unique source d’approvisionnement pour les habitants ,en un véritable poison.
Fait surprenant : seul le ministre des Mines Louis Watum Kabamba s’est rendu sur les lieux concernant l’affaire de la pollution des eaux impliquant la société CDM.
Pourtant, une telle catastrophe exigeait la présence conjointe du ministre de la Santé, Hygiène et Prévoyance Sociale, Dr Samuel Roger Kamba Mulamba, et de la ministre de l’Environnement, du Développement Durable et de la Nouvelle Économie du Climat, Marie Nyange Ndambo.
L’État ne peut pas continuer à fonctionner en pièces détachées alors que la vie des Congolais est littéralement en danger.
L’eau de Lubumbashi : verte, toxique, et dangereuse
L’eau destinée à la consommation humaine doit être incolore, inodore et insipide, exempte de germes pathogènes et de substances toxiques. Mais à Lubumbashi, c’est l’inverse : les habitants vivent dans la peur d’une contamination invisible mais mortelle.
Que font réellement les agents du service d’hygiène, de l’environnement et de l’Office Congolais de Contrôle (OCC) à Lubumbashi ?
L’eau des puits et des forages est utilisée pour cuisiner, et certains la boivent telle quelle. Imaginez les maladies chroniques qui peuvent en découler.
Un site hors normes et une catastrophe environnementale
CDM opérait dans le mépris total des normes : bassins mal conçus, absence de barrières et de contrôle, aucun plan d’urgence.
Les effluents ont gravement pollué les quartiers et menacent durablement l’environnement et la santé des habitants.
Le ministre a suspendu les activités pour trois mois renouvelables, ce que je trouve insuffisant, même s’il a exigé réparation des dégâts, indemnisation des victimes et paiement des pénalités légales.
Une commission mixte est chargée d’établir les responsabilités, y compris celles des services publics défaillants.
Est-ce que cette commission ne va pas se laisser corrompre comme cela est devenu une habitude ?
Forages et fosses individuelles : un danger invisible
Dans une ville où il n’existe pas de fosses septiques collectives, chaque parcelle possède sa propre fosse individuelle.
Comment l’État peut-il autoriser la multiplication de forages et de puits, alors qu’il sait que ces installations, souvent mal construites ou mal entretenues, représentent un danger majeur pour les nappes phréatiques ?
Les nappes phréatiques de Lubumbashi sont aujourd’hui gravement contaminées : pollution industrielle, fuites provenant des stations-service, rejets miniers toxiques, urbanisation anarchique et absence totale de planification.
Résultat : une eau devenue impropre à la consommation, alors qu’elle constitue la seule source dont dépend une grande partie de la population.
Lorsque la REGIDESO SA ne parvient plus à desservir ses clients, le risque devient permanent et la population est directement exposée aux maladies liées à l’eau contaminée.
La loi de 2015 a autorisé les particuliers à intervenir dans la distribution d’eau.
Mais peut-on garantir que ces acteurs respectent réellement les normes de potabilité ?
L’État doit impérativement reprendre ses responsabilités.
Les puits et forages ,manuels ou électriques , ne doivent jamais remplacer un service public fiable et contrôlé comme la REGIDESO SA.
Prévention des tremblements de terre
Il est urgent d’interpeller les députés nationaux, de toutes les provinces en général et de Lubumbashi en particulier, pour créer des lois obligeant à des études de prévention des risques sismiques avant toute construction de forage ou puits dans une parcelle ou un lieu public.
Le Service Géologique National du Congo (SGNC) reconnaît que la RDC doit encore faire des efforts en matière de prévention des risques sismiques.
Actuellement, la législation ne prévoit pas explicitement de mesures sismiques préventives liées aux forages, se concentrant surtout sur la qualité de l’eau, les normes de construction et l’évaluation de l’impact environnemental général.
À Lubumbashi, les habitants veulent une eau claire
À Lubumbashi, les habitants veulent une eau claire, une eau qui ne tue pas, une eau qui ne brûle pas les gosiers des enfants.
Ils veulent surtout que seule la REGIDESO SA, service public légitime et responsable, soit en mesure de desservir l’eau potable, afin de garantir la qualité, la sécurité et l’assurance sanitaire qu’aucun forage artisanal ne pourra jamais offrir.
Et nous voulons également savoir ce qu’il est advenu de ce dossier depuis le départ du ministre des Mines. Où en sont les enquêtes ? Quelles responsabilités ont été établies ? Quelles sanctions ont été exécutées ? Qui répond aujourd’hui devant le peuple pour ce désastre environnemental et sanitaire ?
Parce qu’il ne suffit pas de suspendre pour trois mois renouvelables.
Il faut expliquer, rendre des comptes, et protéger.
Un pays assis sur l’eau… mais privé d’eau potable
Le fleuve Congo possède le deuxième débit au monde, après l’Amazone, un pays qui a un fleuve représentant un potentiel hydrographique très important.
Comment expliquer qu’un tel pays souffre de pénurie d’eau ? Comment expliquer qu’une ville comme Lubumbashi dépende de forages privés souvent non contrôlés ?
Pendant que la RDC se débat entre négligence et improvisation, des pays désertiques comme la Namibie produisent de l’eau potable grâce à :
• le recyclage,
• les traitements modernes,
• la gestion rigoureuse.
Eux n’ont pas d’eau. Nous avons de l’eau, mais pas de la bonne politique.
J’avais déjà tiré la sonnette d’alarme
Dans ma tribune du 8 novembre 2022, « LA RDC A CHOISI LE CHAMPAGNE POUR QUELQUES-UNS EN LIEU ET PLACE DE L’EAU POTABLE POUR LE PEUPLE », j’avais déjà alerté sur ce danger.
Trois ans plus tard, la situation s’est aggravée : la même négligence, la même absence de contrôle, les mêmes vies abandonnées.
Pourtant, l’article 48 de notre Constitution est clair :
« Le droit d’accès à l’eau potable est garanti. »
Comment peut-on piétiner un droit aussi sacré ?
L’urgence d’un sursaut
Ce drame doit servir de leçon. Un point de non-retour.
L’État doit reprendre son autorité. Les vies congolaises ne doivent pas être sacrifiées pour des intérêts miniers.
À Lubumbashi, les habitants veulent une eau claire.
Ils veulent respirer sans craindre les acides.
Ils veulent puiser l’eau sans trembler.
Ils veulent que seule la REGIDESO SA assure leur approvisionnement, pour la garantie de leur santé et de leur sécurité.
Ils veulent un État. Pas des excuses.
Parce que l’eau, c’est la vie.
Et à Lubumbashi, la vie est en danger.
Par : Mingiedi Mbala N’zeteke Charlie Jephthé
Activiste, Penseur et Notable de Madimba