Lundi dernier, le pays tout entier a été pris de court par l’annonce surprise des résultats de l’Examen d’État, édition 2025, soit à peine 78 heures après la fin des épreuves traditionnelles. Une rapidité inédite, qui a suscité de nombreuses interrogations au sein de la communauté éducative.
Notre rédaction a été contactée par plusieurs experts en éducation ainsi que par certains agents du ministère de l’Éducation nationale, tous désireux de dénoncer des irrégularités constatées dans cette procédure précipitée.
Face à ces révélations, nous avons pris l’initiative de mener une enquête rigoureuse en interrogeant des sources suffisamment informées et directement impliquées dans l’organisation de l’Examen d’État. Par souci d’équité, nous avons croisé leurs témoignages avec ceux d’acteurs issus de tous les camps concernés.
L’intelligence artificielle comme justificatif ?
Le ministère de l’Éducation nationale défend cette rapidité en expliquant que la correction des copies a été rendue possible grâce à l’introduction de l’intelligence artificielle (IA) et à la décentralisation des centres de correction, répartis cette année entre Kinshasa, Lubumbashi et Mbuji-Mayi.
Cependant, une question essentielle reste en suspens : comment les calculs ont-ils été faits, compte tenu des délais très courts d’organisation ?
Pour rappel, les épreuves hors session incluant la dissertation, le français oral, le jury pratique ainsi que les épreuves de dessin projet pour les options techniques ont été organisées du 2 au 14 juin. Par la suite, une rallonge d’une semaine a été accordée en raison des difficultés logistiques.
Interrogé à ce sujet, un expert en éducation nous confie que l’utilisation de l’intelligence artificielle dans la correction n’est pas une nouveauté. « Cela fait plus de 20 ans que les corrections sont assistées par des logiciels. Aujourd’hui, on parle d’IA parce que le terme est devenu à la mode, avec des applications comme ChatGPT ou DeepSeek, mais la technologie a toujours été présente dans nos systèmes », précise-t-il.
Une correction technique impossible en si peu de temps ?
Selon ce même expert, la correction proprement dite pourrait théoriquement peux prendre 10 jours grâce à la décentralisation. Mais il insiste sur une zone d’ombre : quelles provinces sont réellement prises en compte par chaque centre de correction ?
À titre d’exemple, le centre de Kinshasa couvrirait non seulement la capitale, mais aussi le Kongo Central, le Grand Bandundu et le Grand Équateur. Or, avec les difficultés de transport, il semble matériellement impossible que tous les colis contenant les copies aient pu arriver à Kinshasa avant le lundi 4 août.
De plus, la correction des dissertations et des dessins projet ne peut être automatisée. Ces épreuves nécessitent un jugement humain, porté par des inspecteurs capables d’évaluer les capacités de réflexion et de créativité des élèves. Les délais observés ne permettent pas une telle évaluation sans compromettre la fiabilité des résultats.
Des délibérations jamais organisées ?
Un inspecteur du ministère de l’éducation nationale nous révèle que la majorité de ses collègues ont été surpris par la publication des résultats. Selon lui, les deux délibérations préalables obligatoires n’ont jamais été organisées.
Il dénonce également la tendance actuelle à transformer la publication des résultats en un show populiste. « Ce moment devrait être un acte pédagogique, pas un coup politique. Même avec l’IA, les résultats doivent être le fruit d’un vrai travail d’évaluation. »
Il ajoute que des irrégularités importantes ont été observées, notamment dans les options techniques. Plusieurs élèves ont échoué en masse, tandis que certaines filières comme la construction ou l’agriculture semblent avoir été totalement oubliées.
Des témoignages inquiétants dans les écoles
Un préfet d’une école située à dans le quartier Mombele dans la commune de limete dont l’établissement affiche 100 % de réussite nous explique avoir transmis les données E13 (état récapitulatif des élèves) par flash disque le jeudi 31 juillet à 16h, soit le jour même de la fin des épreuves.
Lors d’une réunion préparatoire, le PROVED de Limete lui aurait assuré que les résultats seraient disponibles dans deux semaines. Ce même discours aurait été tenu par les inspecteurs-chefs de centres aux élèves.
Cet enseignant, fort d’une longue carrière, doute fortement de la validité des résultats. Selon lui, ceux-ci ne répondent à aucune logique scientifique. Il soupçonne une manœuvre politique visant à influencer les choix du Président dans la formation du prochain gouvernement.
Une crédibilité éducative encore affaiblie
Notre rédaction continue de compiler les informations liées à cette affaire de l’Exetat 2025. Il est urgent de faire la lumière sur les méthodes employées, qui risquent de décrédibiliser davantage la qualité déjà fragile de notre système éducatif national.
Christian Zeus Ilunga