

Par Jonathan TSOBO DITUVANGA
La première visite officielle de l’Émir Sheikh Tamim Ben Hamad Al Thani à Kinshasa marque une étape stratégique dans la recomposition des partenariats internationaux de la RDC.
En présidant avec le Président Félix Tshisekedi la signature de six accords de coopération, les deux dirigeants ont ouvert un nouveau chapitre dans les relations entre Kinshasa et Doha, dans un contexte régional toujours dominé par l’instabilité persistante dans l’Est du pays.
LE PROCESSUS DE DOHA : LA DIPLOMATIE QATARI S’INSTALLE DANS LE DOSSIER SÉCURITAIRE CONGOLAIS
Au cœur de cette visite, un message politique : la reconnaissance par Kinshasa du rôle actif du Qatar dans la médiation entre le Gouvernement congolais et la coalition AFC/M23.
L’accord-cadre signé le 15 novembre 2025 à Doha positionne l’Émirat comme un nouvel acteur incontournable dans un conflit longtemps verrouillé par des dynamiques régionales centrées sur Kigali, Kampala et Bujumbura.
Pour Tshisekedi, cette présence qatarie offre un contrepoids diplomatique face aux pressions régionales, mais aussi une ouverture financière susceptible d’accompagner le futur processus de stabilisation.
UNE COOPÉRATION MULTISECTORIELLE QUI VISE L’INFRASTRUCTURE ET L’INFLUENCE
Les six accords signés couvrent des secteurs sensibles :
-Ports et logistique (ONATRA – Mwani Qatar) : un partenariat qui pourrait ouvrir la voie à une modernisation majeure des infrastructures portuaires de la RDC, secteur clé pour les exportations minières.
-Justice et affaires juridiques : un signal vers une coopération institutionnelle destinée à renforcer les capacités administratives.
-Exemption de visas diplomatiques : un accélérateur pour les échanges politiques et économiques de haut niveau.
-Projet social au Sud-Kivu : Doha s’inscrit dans l’aide humanitaire dans une province toujours marquée par la crise.
-Jeunesse et sport : secteur identitaire fort du modèle diplomatique qatari.
-Consultations politiques régulières : Doha cherche clairement à inscrire la RDC dans son réseau d’influence africaine.
Le Qatar se positionne ainsi non seulement comme un investisseur, mais comme un partenaire politique structurant.
ENJEUX GÉOPOLITIQUES : KINSHASA DIVERSIFIE SES ALLIANCES
Cette avancée intervient dans un contexte où la RDC cherche :
-à désengorger sa dépendance envers les partenaires traditionnels (Occident, Chine, institutions multilatérales) ;
-à attirer de nouveaux capitaux dans les infrastructures et la reconstruction post-conflit ;
-à renforcer sa marge de manœuvre diplomatique dans le dossier de l’Est face aux pressions régionales persistantes.
Pour le Qatar, l’objectif est double :
-étendre son influence sur le continent africain ;
-accéder à des opportunités économiques majeures dans un pays riche en ressources stratégiques et situé au cœur des flux miniers mondiaux.
LES LIMITES ET DÉFIS
Malgré le symbolisme fort de la visite, les défis restent considérables :
-la mise en œuvre réelle des accords portuaires et sociaux dépendra de la capacité de l’État congolais à sécuriser les zones d’intervention ;
-l’accord-cadre de Doha n’efface pas les tensions RDC–Rwanda qui alimentent le conflit dans l’Est ;
-Kinshasa devra éviter que ces nouveaux partenariats ne se transforment en dépendance financière ou politique.
UNE VISITE QUI MARQUE UN REPOSITIONNEMENT DIPLOMATIQUE DE KINSHASA
En recevant l’Émir du Qatar, la RDC affiche une volonté claire de redéfinir ses alliances et d’attirer de nouveaux acteurs dans la résolution de la crise de l’Est. Si ces accords se concrétisent, ils pourraient transformer non seulement l’économie portuaire et sociale du pays, mais aussi son positionnement géopolitique dans la région.