Taux de change : deux poids, deux mesures dans la régulation monétaire

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Alors que la Banque Centrale du Congo (BCC) fixe officiellement le taux de change à 2 261,1793 USD pour un dollar américain, plusieurs structures opérant en partenariat direct avec l’État continuent de pratiquer des taux inférieurs, autour de 2.100 CDF 1 USD.
Parmi elles : des stations-service de renom comme TotalEnergies, Cobil, Engen, KM Oil, etc… mais aussi des hôtels huppés de Kinshasa, fréquentés par des dignitaires et hauts fonctionnaires.
Une situation paradoxale qui jette un flou inquiétant sur la cohérence de la politique monétaire nationale.

Des pratiques illogiques et injustes

D’un côté, les cambistes agréés se conforment aux réalités du marché, en affichant un taux oscillant entre 2.200 et 2.261,1793 CDF.
De l’autre, des entreprises censées être exemplaires et proches de l’État appliquent un taux de 2.100 CDF, créant ainsi un écart artificiel qui pénalise les consommateurs et mine la stabilité économique.

« J’ai payé mon plein chez Engen la semaine passée : le dollar était compté à 2.100 francs alors qu’à la BCC on parlait de 2.300. C’est une perte nette pour nous, les clients », témoigne François KABASU, chauffeur de taxi à Limete.

« d’ailleurs au Fleuve Congo Hotel, on nous change un dollar à 2.800 francs congolais. Pourtant, c’est un établissement qui facture en dollars et accueille des officiels. Pourquoi eux auraient-ils droit à un traitement spécial ? », dénonce Mireille MUTOMBO, entrepreneure.

Des contrôles à géométrie variable

La Banque Centrale a bien envoyé des inspecteurs sur le terrain pour sanctionner les cambistes opérant hors du taux officiel.
Mais dans les faits, ce sont surtout les petits changeurs de rue qui subissent les descentes et arrestations.
Les grandes enseignes, elles, semblent épargnées.

« On nous menace, on nous chasse, on nous accuse de déstabiliser le franc, alors que ceux qui travaillent avec l’État font pire que nous », s’indigne Patrick NGOMA, cambiste à la Gombe.

Cette inégalité de traitement alimente un sentiment d’injustice et de partialité économique.

À qui profite ce désordre ?

Derrière cette apparente confusion se cache une réalité économique :
les entreprises qui changent au taux de 2.100 accumulent discrètement des marges de change considérables, au détriment des clients et de la transparence.
Elles achètent à 2.100, encaissent au taux du marché (2.200–2.261,1793), et gardent la différence.

« C’est une manière déguisée d’accumuler des bénéfices en dehors du contrôle fiscal. Tant que les autorités ferment les yeux, la pratique va continuer », analyse de Philémon MANANGA BULA économiste et auteur.

Un signal dangereux pour la crédibilité de la BCC

En laissant perdurer ces pratiques, la Banque Centrale risque de perdre la main sur sa propre politique monétaire.
Comment espérer stabiliser le franc congolais si ceux qui sont censés donner l’exemple violent les règles ?
Le message envoyé est clair : la loi ne s’applique pas à tout le monde.

Conséquences à court et long terme
-Perte de confiance du public envers la BCC et l’État ;
-Distorsion du marché entre taux officiel, taux commercial et taux parallèle ;
-Encouragement de la spéculation et du marché noir ;
-Affaiblissement du pouvoir d’achat des ménages.

« Quand l’État devient incohérent, la population se tourne vers le système informel. C’est là que commence la déstabilisation économique », conclut Philémon MANANGA BULA économiste et auteur.

Ce qu’il faut retenir

Le franc congolais ne se défend pas seulement sur le marché :
il se défend aussi dans l’équité de l’application des règles.
La BCC doit aller jusqu’au bout de sa logique et imposer le respect du taux officiel à tous les acteurs, sans exception.
Car tant que certaines structures “protégées” continueront à agir en marge du système, la monnaie nationale restera faible, et la confiance, ébranlée.

DOSSIER DE JONATHAN TSOBO

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