Un acte parlementaire, une réaction maladroite

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Dossier de réflexion par JONATHAN TSOBO DITUVANGA

Le Gouverneur du Kongo Central, Grâce Bilolo, a été formellement notifié, ce lundi 3 novembre, de son interpellation par Docteur Cerlain Gonda Matumona, député provincial élu du territoire de Madimba.
Jusque-là, rien d’anormal : un député interpelle un membre de l’exécutif provincial, c’est un acte politique légitime, prévu par la Constitution et le Règlement intérieur de l’Assemblée provinciale.

Mais ce qui suscite le débat, c’est la réponse publique apportée non pas par le Gouverneur lui-même, mais par son conseiller en communication, Martin Solo, sur Facebook.
Une démarche qui, si elle paraît anodine pour certains, révèle en réalité une méconnaissance du protocole institutionnel et une confusion des rôles entre communication politique et communication publique.

« Bien que connaissant les intentions de l’auteur de l’interpellation, le Gouverneur répondra aux préoccupations soulevées », a publié le conseiller sur son compte personnel.

Quand la communication politique sape la légitimité institutionnelle

Répondre à une notification officielle d’une institution politique par un statut Facebook est plus qu’une maladresse : c’est un glissement institutionnel.
Car en démocratie, les canaux officiels sont sacrés.
Une interpellation parlementaire relève du rapport institutionnel entre le législatif et l’exécutif ; elle ne doit jamais être traitée sur la place publique avant la séance officielle.

Cette réponse virtuelle du conseiller, même empreinte de bonne foi, donne l’impression que l’administration provinciale réagit sur le terrain de la polémique, et non sur celui de la responsabilité.
Or, le Gouverneur n’est pas un internaute : il est une institution.

Le respect des formes n’est pas une question de style, mais de souveraineté.

Comme en droit, il y a eu précédent à la portée symbolique dont l’histoire politique du Kongo Central est marquée par plusieurs crises entre Gouverneurs et Assemblée provinciale :
Nous sommes en 2019, Atou Matubuana avait refusé de répondre à une question orale avec débat, provoquant un incident houleux à l’hémicycle ;
Comme si cela ne suffisait pas, en 2022, Guy Bandu s’était illustré par des échanges épistolaires tendus avec le député Guylain Panzu, refusant à son tour de se présenter.

Donc, en annonçant qu’il se rendra bel et bien à l’Assemblée provinciale le 12 novembre prochain, Grâce Bilolo rompt avec cette tradition d’affrontement et rétablit le dialogue entre les deux pouvoirs.
Mais cette bonne initiative aurait gagné en force si la communication avait respecté les circuits formels, plutôt que de se disperser dans les réseaux sociaux.

Les vrais enjeux derrière la forme

Derrière ce simple post Facebook, se cachent des enjeux profonds :
-La crédibilité de l’autorité provinciale, qui repose sur sa capacité à se comporter en institution, non en acteur de réseaux sociaux ;
-Le respect de la séparation des pouvoirs, qui exige retenue et décorum ;
-La culture politique congolaise, encore trop marquée par la personnalisation du pouvoir et la confusion entre communication personnelle et communication d’État.

Car même si les intentions du député Gonda pouvaient être politiques, l’acte d’interpellation demeure un droit constitutionnel fondamental.
Le Gouverneur doit y répondre par devoir d’État, non par rivalité politique.

Ce simple incident, en apparence anodin, met en lumière des problématiques plus profondes qui méritent d’être examinées : la confusion des rôles, l’amateurisme communicationnel et la fragilité de la culture institutionnelle.

  1. Jusqu’où les communicants publics peuvent-ils s’exprimer sans fragiliser l’institution qu’ils servent ?
  2. Les gouvernements provinciaux disposent-ils d’une doctrine claire de communication institutionnelle ?
  3. La digitalisation de la parole publique doit-elle remplacer la formalité républicaine ?
  4. Comment rétablir la hiérarchie des canaux officiels dans la gouvernance locale ?

Alors, Si ce geste mal inspiré devait servir à quelque chose, ce serait à rappeler l’urgence de professionnaliser la communication publique. Car la République ne parle pas par statut interposé. Voici donc quelques propositions pour ramener de la rigueur et du respect dans la communication d’État :

Pour éviter la confusion entre communication d’État et communication personnelle, plusieurs pistes s’imposent :
-Former les conseillers en communication à la communication institutionnelle républicaine, qui privilégie les communiqués officiels aux publications personnelles.
-Élaborer une charte de communication publique provinciale, pour définir qui parle, quand et comment, au nom de l’exécutif.
-Encadrer la parole numérique des collaborateurs politiques, afin de protéger l’image et la neutralité des institutions.
-Encourager le dialogue direct Gouverneur–Assemblée, afin de restaurer le respect mutuel entre pouvoirs.

L’élégance du pouvoir, c’est la retenue, me disait souvent mon grand père, le feu professeur émérite André MASIALA -MA- SOLO.

En choisissant de se présenter à l’Assemblée provinciale, Grâce Bilolo donne un signal positif de responsabilité.
Mais son entourage doit comprendre que la communication institutionnelle n’est pas un espace d’expression personnelle.
Dans la République, la forme est aussi importante que le fond.
Et dans ce cas précis, Facebook n’est pas une tribune républicaine.

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