RDC/Tribalisme dans la gestion des entreprises publiques : une menace silencieuse à l’unité nationale

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Alors que la République Démocratique du Congo aspire à la stabilité, à l’unité nationale et au développement, un mal pernicieux continue de miner nos institutions : le tribalisme dans la gestion des entreprises publiques. Ce phénomène, souvent dissimulé derrière des revendications identitaires ou régionales, bloque la méritocratie et favorise l’exclusion, compromettant ainsi la performance de nos entreprises et la cohésion du pays.

Prenons le cas de l’ONATRA (Office National des Transports), une entreprise stratégique dont les installations majeures – notamment les ports de Matadi et Boma – se trouvent dans le Kongo Central. Depuis plusieurs années, certaines voix s’élèvent dans cette province pour réclamer que cette entreprise soit dirigée exclusivement par un ressortissant né Kongo. Une revendication récurrente, alors même que l’histoire de l’ONATRA nous montre que plusieurs directeurs généraux issus de cette région – comme Mukoko Samba, Tito Wumba et d’autres – ont occupé ce poste sans y apporter un changement notable. La volonté de diriger ne devrait jamais se fonder sur l’appartenance ethnique ou géographique, mais bien sur la compétence, l’intégrité et la vision managériale.

Pendant ce temps, Martin Lukusa, actuel DG de l’ONATRA, s’illustre par des réformes notables et un sens élevé de gestion, sans que ses origines ne soient mises en avant comme argument de légitimité. Pourtant, certains continuent à s’opposer à sa présence simplement parce qu’il n’est pas originaire du Kongo Central. Est-ce cela, l’unité nationale que nous prônons ?

Ce cas n’est malheureusement pas isolé. Le magazine Le Tonnerre avait mené des enquêtes entre 2009 et la fin du mandat de Joseph Kabila. Il en ressortait que la DGRAD (Direction Générale des Recettes Administratives, Judiciaires, Domaniales et de Participations) était systématiquement dirigée par des ressortissants du Maniema. Une tendance inquiétante où la provenance l’emporte sur les compétences. De manière tacite, certains affirmaient que cette régie financière « devait » rester entre les mains de personnes issues de cette même province. Pourquoi ? Personne ne le sait exactement. Mais ce comportement tribaliste devient la norme dans plusieurs entités publiques.

Autre exemple criant : la DGDA (Direction Générale des Douanes et Accises). Avant la prise de Goma par le M23, le directeur provincial, M. Kayembe, était sous pression, menacé, non pas pour ses performances, mais pour le simple fait qu’il n’était pas originaire du Nord-Kivu. Ce genre de réaction renforce l’exclusion, la méfiance et fragilise l’État.

La situation est tout aussi préoccupante au Katanga. Depuis la scission administrative de la région, on assiste à une montée de frustrations identitaires. Dans le Haut-Katanga, plusieurs voix dénoncent l’exclusion de leurs ressortissants dans les entreprises publiques et provinciales opérant sur leur territoire.

Même au sein de la SNEL, il est courant d’entendre que si vous n’êtes pas du Kongo Central, vous ne pouvez pas diriger une antenne là-bas sans faire face à une hostilité larvée.

Ce phénomène est d’autant plus inquiétant que dans plusieurs entreprises publiques, on constate que le directeur général et le chef de division proviennent de la même province. Cette homogénéité ethnique ou provinciale n’est pas une coïncidence : elle résulte souvent d’un favoritisme tribal déguisé en “affinité régionale”.

Changer les mentalités, pas seulement les textes

Il ne suffit pas de condamner le tribalisme dans les discours politiques. Il faut changer les mentalités, mettre la compétence au centre des nominations, et surtout veiller à ce que l’État central reste le garant de l’équité dans la gestion de ses entreprises. Une entreprise publique est un bien commun, au service de tous les Congolais, et non un patrimoine d’une province ou d’une ethnie.

Nous ne pouvons pas continuer à crier à la balkanisation tout en entretenant les germes de la division dans nos comportements. Si nous voulons construire une nation forte et unie, il est impératif que la méritocratie prime sur l’identité tribale, que la cohabitation professionnelle devienne une normalité, et que le service public soit dirigé par les plus compétents, quelle que soit leur origine.

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